Un site construit par les Ambassadeurs d’Expression Citoyenne - Illustrations : Martin Grand
Dans la lutte contre le harcèlement, "moins on utilise le mot, plus on est efficace". Ce paradoxe est lié au fait que la compréhension du mot dans le sens commun est en fait assez éloignée de sa dynamique réelle.
Lorsqu'on aborde le sujet dans les classe et les familles, on parle en effet très souvent de "harceleurs" et de "victimes". On insiste sur l'intentionnalité de l'acte des premiers et sur les dégâts causés aux seconds. De ce fait, les manières de parler du harcèlement induisent une diabolisation des uns et une angélisation des autres. Elles passent également sous silence le rôle de l'ensemble du groupe qui est témoin, ainsi que l'ensemble des mécanismes structurels de l'école qui favorisent les relations de harcèlement. Last but not least, cette manière de voir appuie d'un côté sur la force des auteurs et sur la faiblesse de leurs cibles. De ce fait, elle peut encore accentuer le mécanismes puisque les premiers recherchent précisément à se montrer forts et le font en stigmatisant la faiblesse des seconds. Cette manière de parler n'est pas que celle des jeunes et des équipes éducatives. C'est aussi assez massivement le message des médias. Et les politiques eux-mêmes accentuent le phénomène. En utilisant ce concept comme "drapeau" de politiques contre les violences, ils accentuent encore sa place dans la culture collective. Ce déploiement du mot a entrainé un contexte dans lequel, pour beaucoup, il devient une "marotte", un nouveau fléau à combattre, un concept un peu "fourre-tout" qui va être utilisé à tort et à travers.
Une particularité du harcèlement, c'est donc qu'il faut reconnaître la gravité du phénomène tout prenant soin d'en parler autrement. Comme l'idée du "harceleur" est bien trop ancrée, il est important de changer de perspective en parlant d'auteurs et de cibles, de façon à accentuer la perception des rôles en présence. Il faut aussi insister sur le rôle du public et la responsabilité de tous. Il faut faire comprendre que le mécanisme est lié à la construction même des espaces éducatifs lorsque ceux-ci n'encouragent pas suffisamment l'expression. Afin de réunir toutes ces actions dans une même stratégie, l'idéal est selon nous de développer des stratégies générales de gestion des violences, comme c'est le cas dans la "justice scolaire" proposée par l'école citoyenne.
