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Le port du voile musulman : quelques positions

Cette fiche présente quelques positions musulmanes concernant le port du voile, de manière à montrer la diversité de réponses islamiques à l'enjeu de la pudeur.

Intentions

Cette fiche reprend différentes positions musulmanes sur le port du voile. Le but est de montrer que, parmi les musulmans bien informés sur leur religion, les avis sont parfois très différents concernant le port du voile : certains le voyant comme une obligation, d’autre comme une invitation, d’autres encore comme une des manières de montrer sa pudeur. Le but de ce dossier n’est donc pas du tout de donner raison à l’un ou à l’autre. Il convient à chacun de se faire sa propre opinion. L’objectif poursuivit est, plus modestement, de montrer la multiplicité plutôt que l’image d’une communauté musulmane « unique », sans désaccords.

 

Par ailleurs, le but du dossier n’est pas non plus de dire que la position de ces penseurs est majoritaire dans la population musulmane. Pour des raisons essentiellement géopolitiques et financières, certaines positions musulmanes sont aujourd’hui beaucoup plus diffusées que d’autres, sur le Net comme dans les librairies. La position de l’Arabie Saoudite par exemple a bénéficié des dernières années d’une stratégie très couteuse pour être diffusée comme LA référence musulmane légitime :  plus de 500 millions de dollars en 20 ans. Mais cette sur-diffusion de certaines positions ne doit pas empêcher de réfléchir profondément aux différentes interprétations concernant le port du voile et aux textes originaux qui les concernent.

 

Pour bien situer quelles sont les personnes qui argumentent ici, une petite biographie et bibliographie de chaque auteur accompagne leur position sur le port du voile. Malgré la diversité des positions proposées, il faut noter aussi que ce ne sont que quelques-uns des nombreux points de vue musulmans existant.

Différentes façons de porter le voile

Le hidjab, est le voile qui  couvre les cheveux. On le trouve entre autres dans les pays du Maghreb et, comme  indiqué sur les photos ci-dessus et dessous, il existe différentes manières de le porter :  juste sur les cheveux, en turban, en double bonnet…

Le tchador couvre tout le  corps, de la tête aux pieds. Il cache également le visage, la vue ne se fait  que part une sorte de grille devant les yeux.

Le niqab, est un voile  léger, posé sur le nez, qui, en plus des cheveux, dissimule la partie  inférieure du visage.

Le jilbab,  couvre les cheveux, et cache également la quasi totalité du corps.

Une position traditionnelle

« La Femme Musulmane observe le voile légal chaque fois qu'elle sort de sa maison ; c'est l'habit islamique que les textes du Saint Coran et les Hadiths du Messager d'Allah ont déterminé sans équivoque. Elle ne doit pas quitter sa maison ou apparaître devant des hommes autres que ceux qui lui sont interdits en mariage, parfumée ou maquillée. Elle sait que le Saint Coran a catégoriquement interdit de tels actes.

Et dis aux croyantes de baisser leurs regards, de garder leur chasteté, et de ne montrer de leurs atours que ce qu'en paraît et qu'elles rabattent leurs voiles sur leurs poitrines ; et qu'elles ne montrent leurs atours qu'à leurs maris ou à leurs pères ou à leurs frères ou aux fils de leurs frères, ou aux fils de leurs maris, ou aux femmes musulmanes ou aux esclaves qu'elles possèdent, ou aux domestiques mâles impuissants, ou aux garçons impubères qui ignorent tout des parties cachées des femmes. Et qu'elles ne frappent pas avec leurs pieds de façon que l'on sache ce qu'elles cachent de leurs parures. Et repentez-vous tous devant Allah, Ô croyants ! afin que vous récoltiez le succès [Sourate 24,verset 31]

La femme musulmane consciente ne fait donc pas partie de cette catégorie de femmes sous-habillées que connaît la société moderne, des femmes égarées et déviées de la voie d'Allah ; par contre la femme musulmane tremble de peur de la terrible image tracée par le Messager d'Allah sur ces femmes dévoilées et maquillées qui vivent dans la débauche et la corruption morale :

(…)

La femme musulmane mûre, qui a appris l'Islam pur et grandit dans un milieu sain sous sa coupole, n'observe pas le voile islamique par tradition ou habitude, mais elle l'observe par conviction et avec un cœur plein de foi dans le commandement d'Allah le Tout Puissant.

Elle est convaincue que cette religion est révélée par Allah pour préserver la femme de la séduction, de la dépravation et de l'égarement. Elle l'accepte par conséquent avec un esprit satisfait, un cœur serein et une profonde conviction (…) »

 

Source : Abdel(http://abdelhay.over-blog.com)

Des savants musulmans en Occident

1.   Tareq Oubrou

Tareq Oubrou, est un imam français né au Maroc de parents enseignants et francophones. À 19 ans, il arrive à Bordeaux (Gironde)afin de poursuivre un cursus en biologie et médecine. Mais très vite il est happé par les besoins de la communauté musulmane de France pour exercer le rôle d'imam. Il se rendra ainsi dans plusieurs villes françaises de taille moyenne telles Nantes, Limoges ou encore Pau. Après une dizaine d'années passées "au chevet de la communauté", il revient à Bordeaux pour s'y installer durablement et diriger les prières (salat) et les sermons (khutba), au sein de la mosquée al Huda, rue Jules Guesde, dans le quartier populaire de Saint-Michel.

Il entame alors une vaste réflexion théologico-canonique sur les conditions de l'expression et de la pratique musulmane dans un espace sécularisé, renouant avec la tradition des fuqaha (juristes)qui pensaient le droit musulman en prenant en considération leur contexte historique et culturel. Il donne le nom de shari'a de minorité aux premiers fruits de cette réflexion. Selon lui, elle n'a pas vocation ni à se substituer au droit positif français, ni à s'y opposer. L'esprit de ce travail en cours traverse déjà le premier opuscule d'une série de dix volumes. Il est intitulé L'Unicité de Dieu. Des Noms etAttributs divins [1],éditions Bayane, 2006. Il tente notamment d'y restituer le contexte anthropologique et historique de la Révélation coranique chez les Bédouins de la péninsule sudarabique du VIIe siècle. Il note que ce sont des convertis, de culture perse principalement, qui formalisent et perfectionnent le droit grâce à la principologie (usûl elfiqh), science qui n'existait pas chez les Arabes du moment coranique pour la raison (entre autres) qu'ils disposaient, selon Oubrou, d'une compréhension immédiate des significations du Coran et de la sunna "qu'ils communiquèrent spontanément à leurs disciples (at-tâbi'un)"(p. 62).

Oubrou fait donc de la principologie la pierre angulaire de son travail de revisite de la Tradition qui dit prendre en considération (mais dans un rapport sélectif)les réalités philosophiques, juridiques et même sociologiques à la base de la civilisation européenne moderne, sans transiger avec ce qu'il conçoit être les enseignements fondamentaux du Coran et de la sunna. Ce n'est donc pas en intellectuel, mais du point de vue religieux qu'il s'exprime, même s'il possède un bagage culturel d'autodidacte en sciences positives et en sciences humaines, dont les multiples disciplines sont fréquemment convoquées dans ses travaux herméneutiques.

Il est membre de l'AMG (Association des musulmans de la Gironde) affiliée à l'UOIF(Union des organisations islamiques de France) et préside actuellement l'association"Imams de France".

Tarek Oubrou, Propos recueillis par S. Le Bars le16.10.09 dans le journal « Le Monde »

Comment faire admettre votre concept de "charia de minorité", qui défend la possibilité de se conformer à la loi islamique et aux valeurs républicaines, à ces nouveaux groupes qui prennent leurs avis religieux sur Internet ou enArabie saoudite ?

Je pars d'une réalité française laïque, qui met à l'épreuve toute une tradition, pour offrir aux musulmans un système normatif leur permettant de vivre leur Islam et leur citoyenneté française. Seuls survivront spirituellement lesmusulmans qui savent modérer, adapter, et négocier leurs pratiques avec laréalité de la société française. Je n'ai pas d'emprise sur ceux qui ne veulentpas réfléchir à cela et ont décidé d'être contre la société, contre la Franceet même contre les musulmans qu'ils considèrent trop "light".

Quelle est aujourd'hui votre position sur le port du foulard islamique ?

Si je voulais être provocateur, je pourrais dire aux femmes : mets ton foulard dans ta poche. Aujourd'hui, je dis que c'est une recommandation implicite qui correspond à une éthique de pudeur du moment coranique. Pour autant, une femme qui ne le met pas ne commet pas de faute. Mais, aujourd'hui, la communauté musulmane est fragile, et s'attache à des adjuvants et à des normes. C'est aberrant de réduire une femme musulmane à son foulard ; c'est de l'ignorance.Le foulard n'est pas un objet cultuel, encore moins un symbole de sacré. En outre, cette visibilité est néfaste car, à long terme, cette pratique pose des problèmes spirituels et psychologiques aux femmes qui veulent étudier ou travailler. Je n'ai pas le droit de tromper ces jeunes filles. Le problème, c'est que lorsqu'elles enlèvent le foulard, elles arrêtent aussi de prier. Cela dit, je crois que chacun est libre de s'habiller comme il veut, de choisir la lecture de l'islam qui lui convient, même si je ne la partage pas.

2.   Malek Chebel

Biographie

Néen 1953 à Skikda en Algérie, Malek Chebel faitses études primaires et secondaires puis obtient son baccalauréat philosophieet lettres arabes. Il entre en 1977 à l'Université Aïn El-Bey de Constantine. En 1980, il obtient un premier doctoraten psychopathologie clinique et psychanalyse à l'université Paris 7. Puis en 1982, Malek Chebel obtient sondoctorat d'anthropologie,d'ethnologie et de science des religions à Jussieu, et en 1984 son doctorat de sciences politiques à l'Institutd'études politiques de Paris. En 1995, il est habilité à ladirection de recherche à la Sorbonne. Il a exercé et donnédes conférences en Europe, dans le monde arabe et aux Amériques : dans desuniversités en France (la Sorbonne, Paris IV), au Maroc, Université de Marrakech,en Tunisie, dans plusieursétablissements supérieurs égyptiens, aux États-Unis, à Berkeleyet Stanford, à San Francisco, à l'UCLA de Los Angeles, à la CUNY à New York, RockefellerUniversity à Chicago, en Belgique l'ULB àBruxelles...

MalekChebel a fait partie du Groupe des Sages qui, auprès de Romano Prodi, président dela Commissioneuropéenne, réfléchissait aux implications culturelles induites par l'Europe, notamment dans sesrapports avec la rive sud de la Méditerranée,à l'origine de l'élaboration de la première charge euro-méditerranéenne. Ils'intéresse désormais particulièrement aux travaux de l'Unionpour la Méditerranée (UPM).

Extrait de sa position sur le port du voile

Pour Malek Chebel "Celles qui subissent le voile, venu des hommes, du milieu des hommes, de l'univers masculin : le frère, le père, l'imam, tout autour, le quartier... Comment il est contrôlé par les théologiens et par les imams, plus ou moins d'ailleurs honnêtes ces imams... Hé bien je prétends que le voile est un instrument de la soumission de la femme.Et enlever le voile, loin de déplaire à Dieu, je pense que on peut plaire encore plus à Dieu, parce que on sera un individu. Et la femme pourra dire : je suis un individu, je suis une musulmane, qui s'assume et qui n'a pas besoin d'un fichu pour montrer qu'elle est musulmane."

Malek Chebel insiste sur le caractère très limité d’un seul débat. Des tas de questions se posent aux musulmans aujourd'hui, par exemple on n’a pas parlé ce soir de la répudiation, de la violence au nom de l’islam, du terrorisme, des relations hommes-femmes, du choc ou du dialogue des civilisations, du droit de ne pas croire etc etc. (cfr. les 27 chantiers de son manifeste).

Nous avons besoin d’être des sujets, d’indépendance d’esprit au lieu du suivisme aveugle derrière quelques « savants ». je ne veux pas être un prédicateur censé avoir toutes les réponses, j’essaie seulement de poser les vraies questions.

Si je suis contre le voile, par exemple, c’est parce que je pense qu’il est up-to-date au 21e siècle. Ce n’est pas le voile qui fait la musulmane et beaucoup de femmes le mettent surtout pour faire plaisir au monde des hommes ou ne pas devoir s’opposer à eux. La soi-disant obligation du voile remonte au 20e siècle.

3.    Tariq ramadan

Tariq Ramadan est un intellectuel, un professeur et un universitaire1 suisse d'origine égyptienne, né le 26 août 1962 à Genève.

Son œuvre s'articule sur une réflexion théologique, philosophique et politique en lien avec la religion musulmane, les spiritualités et les différentes philosophies. Il est engagé depuis plusieurs années dans le débat concernant l’islam en Occident et dans le monde.

Expert consultant dans diverses commissions attachées au Parlement de Bruxelles, il participe à divers groupes de travail internationaux se rapportant à l’islam, à la théologie, à l’éthique, au dialogue interreligieux et interculturel, et plus largement au développement et aux questions sociales.

Tariq Ramadan est généralement considéré comme étant une personnalité controversée2,3,4,5,6,7. Pour ses défenseurs, il est considéré comme un philosophe au discours puissant voulant montrer un islam authentique et ouvert, mais ses détracteurs le considèrent comme un intégriste maniant un double discours lorsqu'il s'agit d'évoquer la place de la religion dans les rapports hommes-femmes, la pratique religieuse, la société laïque et l'homosexualité.

 

Position sur le foulard

Le Coran dit qu’on ne peut ni l’imposer, ni interdire de l’enlever. C’est ma position. 

4.  Deux petits textes d’auteurs moins connus

Sid Ahmed SAHLA 

Tu me demandes de répondre en quelques mots simples à une question qui suscite depuis quatorze siècles, des débats passionnés et contradictoires au sein de la communauté musulmane. Je te précise pour commencer, que parmi les grandes controverses de la lecture et l’interprétation des versets du Saint Coran (1), la plus saillante demeure la question du port du voile parce qu’elle est liée intimement à la condition de la femme. Mais quelles sont les références disponibles pour se faire une idée plus ou moins précise ?

En premier lieu le Coran, bien évidemment, en second lieu les hadiths (2) de notre Prophète et en dernier lieu la conscience et la rationalité. Pour t’apporter donc une réponse qui me semble suffisante et complète, il me faut cadrer la démarche. Etablissons les principes…

-Premier principe : l’Islam n’est pas une religion de contrainte. Dieu impose le libre arbitre aux musulmans. Le Coran dit que l’homme est le délégué de Dieu sur terre. Le musulman est capable de choix, d’initiative et de tolérance. L’Islam est une religion du juste milieu qui favorise dans tous les cas de figure , la solution la plus facile et la plus accessible. Et ce n’est pas parce que les intégristes et les fondamentalistes recourent à des versets coraniques, et les appliquent rigoureusement à la lettre à des fins politiques et idéologiques que l’Islam se résume à l’exhibition de signes et de symboles. L’Islam est une religion de pensée et d’élévation. Même Maimounide le grand rabbin juif andalou reconnaît à l’Islam son attribut de religion la plus pure. Mais on ne peut absolument parler de l’Islam sans se référer au Coran et aux Hadiths de Sidna Mohammed.

-Deuxième principe : Contrairement à la Thora, la Bible ou les Evangiles, la lecture du Saint Coran ne peut pas être linéaire, sémantique ou historique ; parce que le Coran nous enseigne l’Absolu. Une qualité qui permet -au chinois de Pekin en l’an 860, à l’africain noir en 1750 ou à l’américain en 2008- d’accéder à ses énigmes. En d’autres termes la puissance du Coran transcende le temps et l’espace. Mohamed Arkoun (3) dit que le Coran est a-historique.

-Troisième principe : Tous les hadiths attribués aux Prophète Mohammed ne sont pas authentiques. A travers l’histoire les faits, gestes et textes du Prophète ont fait l’objet de manipulation par des imposteurs à des fins politiques et économiques. Le maître incontesté de la science des hadiths El Boukhari a débusqué, deux siècles après la mort de Sidna Mohammed, plus de 596.725 faux hadiths. « Sahih El Boukhari »(L’authentique d’ El Boukhari ) est la référence d’excellence et première pourles musulmans en ce qui concerne les hadiths.

 Quatrième principe :Toute la pratique de la religion musulmane doit se réaliser par la rationnalité pour le bien-être de l’homme et exclusivement pour son bonheur. « L’Islam considère que les hommes agissent pour eux-mêmes et par eux-mêmes »précise Abdel Madjid Meziane (4). D’ailleurs les cinq rites de l’Islam comme la chahada, la prière, l’aumône, ramadhan ou le hadj ont des fonctions sociales déterminantes. (Nous aurons la possibilité d’en parler de ce chapitre si cela t’intéresse). C’est pour cela que Abdel Madjid Meziane précise que « la Charia (Droit musulman) doit s’adapter à l’évolution de la société ».

A ta question « le portdu voile est-il une obligation pour les musulmanes ? », je te réponds NON ! Pour la simple raison que l’Islam est une religion qui libère la femme de toute domination, exploitation et esclavage. Elle est l’égale en toute circonstance de l’homme en droit et en devoir. Toute la difficulté de savoir si « le port du voile est une obligation pour les musulmanes » est intrinsèque justement à la condition de la femme. A la veille de l’avènement de l’Islam, la femme -à part quelques rares exception-faisait partie des propriétés « matérielles et animales » de l’homme, au même niveau que les bagages et moins que les chevaux. Notre Prophète va révolutionner la vie des arabes en mettant la femme au centre de toutes ses stratégies religieuses, politiques et économiques. Et durant sa vie Sidna Mohammed fera des femmes ses principales partenaires et conseillers.

Mais revenons à l’emploi du voile (« hidjab ») dans l’histoire des arabes :l’usage du « hidjab » se pratiquait avant l’avènement de l’Islam. Le port du voile est une tradition commune à toutes les religions monothéistes. Que ce soit pour les juifs, les chrétiens ou les musulmans. EnIslam même les hommes religieux, -imams, docteurs de loi et docteurs de foi- le portent pour se distinguer du reste de la société civile. En Islam c’est une marque d’humilité et de pudeur face à Dieu que la musulmane doit manifester dans les moments de la piété comme en accomplissant la prière ou en effectuant le hadj. Mais comme l’affirme Cheikh Bouamrane –actuel président du Haut ConseilIslamique en Algérie- il s’agit d’un FOULARD, c’est-à-dire une écharpe d’étoffe ouverte. La précision du Cheikh Cherif Bouamrane est tout indiquée puisque le« hidjab » dans la langue arabe antéislamique désigne un tissu, un paravent ou un arbre derrière lesquels on se met pour ne pas être vu. Le« hidjab » ici a une signification de réclusion. Le« hidjab » délimitait l’espace public de l’espace privé. Il y a aussi« le khimar » un effet vestimentaire très courant dans la société antéislamique en Arabie. Semblable au voilage porté par les européennes du sud durant le siècle dernier, les femmes esclaves à la Mecque et Médine l’enroulaient sur la tête pour aller faire les courses dans les souks. On s’en tient à ce stade pour éviter la confusion.

Mais dans quel contexte les versets coraniques se rapportant au port du voile ont été révélés ? Entre la « Lettre » de ses versets coraniques qui font mention au voile et « l’Esprit » qu’ils inspirent, c’est toute la complexité du problème, dont le débat d’ailleurs demeure ouvert. Je m’explique.

Plusieurs sources de laTradition (Sunna) parlent du contexte de la révélation du verset coranique qui mentionne le port du voile. Selon la première version Sidna Mohamed a eu la révélation du « Voile » le jour de son mariage avec la belle Zayneb bint Djahsh qui tourmentait les hommes par sa beauté. La deuxième version de la Sunna évoque « l’affaire du collier » qui se rapporte à Aïcha l’épouse préférée du Prophète qui était d’une beauté, d’une intelligence et d’une culture hors du commun. Dans« l’affaire du collier » Aïcha est accusée d’adultère ce qui avait provoqué de grands scandales. Au point ou un verset coranique est révélé pour innocenter Aïcha. Cet incident servit de précédent.

Les conclusions tirées furent que les femmes du Prophète doivent être protégées. Pour soutenir cette protection des femmes du Prophète un verset coranique est révélé et rappelle que seules les femmes –épouses et concubines- et les filles du Prophète et les nouvelles croyantes -pour les différencier de celle qui ne sont encore converties-, sont tenues de porter le voile. Quand à la généralisation du port du voile une troisième version avance que l’usage a été imposé par leCalife Omar aux femmes de Medine, ville aux mœurs plus relâchées qu’à laMecque. Mais encore une fois pour des motivations sociales et non de morale. La preuve le Calife Omar ne s’est pas gêné pour nommer pour la première fois dans l’histoire du monde arabo- musulman la première femme ministre, Chafia bint AbdAllah. Cette dame assumait les charges de ministre de la Justice et ne se voilait pas. Il y a une quatrième version qui atteste que le port du voile est imposé à Médine par Sidna Mohammed en pleine guerre civile. Une conjoncture ou le Prophète est affaibli et les « mounaffiquine (Les hypocrites) qui perdaient leurs privilèges et leurs ressources financières qui leur provenaient de l’esclavage des femmes sont devenus menaçants. Même les femmes du Prophètes sont agressées dans la rue par ces « mounaffiquine. » Il ne s’agissait plus de libérer les femmes mais de les protéger. » En tout cas il n’existe pas de verset coranique explicite qui impose aux musulmanes le port du voile en dehors du moment de la prière et de la saison du hadj.

En guise de conclusion, je te précise que tout ce qui peut constituer un obstacle, une gêne ou une menace dans la vie d’un musulman est contraire à l’Islam. Le musulman doit vivre dans la quiétude et la sérénité. Là ou réside la foi musulmane, il n’existe pas de contrainte.

J’espère un tant soit peu, avoir répondu à ta question.

Signé Sid Ahmed SAHLA

Notes :

1- Le saint Coran a été révélé à notre prophète Mohamed en partie à la Mecque et en partie à Médine. La partie mecquoise coranique interpelle l’esprit humain ; elle s’adresse à la conscience, et à l’intelligence de l’Humanité. La partie médinoise duCoran codifie d’une part les rapports entre les croyants qu’ils soient musulmans, chrétiens, juifs ou animistes pour le commerce et la vie en publique et d’autre part entre les musulmans eux-mêmes quant il s’agit de mariage, d’héritage ou de mœurs religieuses …

2- Les hadiths sont les paroles, les orientations, les ordres et recommandations formulés par Sidna Mohamed en direction des croyants.

3- Mohamed Arkoun est un islamologue d’autorité. Il est français d’origine algérienne. Il enseigne à la Sorbonne et est considéré comme le plus grand spécialiste de l’histoire de la pensée islamique et de lecture du Coran

4- Abdel Madjid Meziane, ancien président du Haut Conseil Islamique en Algérie remplacé à sa mort parCheikh Bouamrane, animateur du dialogue entre les religions au Vatican durant les années 90.

Olfa Youssef (linguiste spécialiste enislamologie appliquée) : La femme, petit exerciced’exégèse moderne, pour libérer les musulmanes. 

Le voile 

“Dis aux croyantes de baisser les yeux et de contenir leur sexe ; de ne pas faire montre de leurs agréments, sauf ce qui en émerge, de rabattre leur fichu sur les échancrures de leur vêtement. Elles ne laisseront voir leurs agréments qu’à leur mari…” Ennour, 31 

“Prophète, dis à tes épouses, à tes filles, aux femmes des croyants de revêtir leurs mantes : sûr moyen d’être reconnues (pour des dames) et d’échapper à toute offense”. Al Ahzab, 59 

Le premier sens du mot "voile"ne renvoie pas à un habit, mais à une tenture destinée à voiler la vue.Historiquement, ce "voile"-là était fait pour protéger les femmes du prophète. Contre quoi ? Pendant la Jahiliyya, expliquent Boukhari et Tabari, les mâles, surtout les impies, avaient très peu de respect pour l’autre sexe.Il s’agissait donc de soustraire les femmes à leur regard. Le verset 59 de la sourate Al Ahzab appelle les "femmes des croyants", en général, à se prémunir aussi par le même type de "voile". Mais les commentateurs précisent que seules les femmes libres étaient concernées – autrement dit, pas les esclaves. Ayant une valeur marchande, ces femmes là devaient être visibles pour être valorisées. Il est même arrivé à Omar Ibn Khattab de gifler une esclave qui a imité sa maîtresse (Sahih al Boukhari, tome 3, p.99). Concernant le verset 31 de la sourate Ennour, les commentateurs ont divergé sur le sens du mot "zina" (agréments). Quant à l’expression, "rabattre leur fichu sur les échancrures", les exégètes divergent sur son explication. En plus, il y a cet autre verset (Ennour, 60) qui dispense les femmes ménopausées de se couvrir. Autrement dit, il faut être apte à la procréation pour devoir se préserver visuellement des hommes. Bref, on est loin du voile d’aujourd’hui que l’interprétation fondamentaliste veut imposer comme sixième pilier de l’islam. 

 

 

 

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